Face au traitement discriminant et injuste que subit la culture, ses professionnels sont nombreux à s’interroger : faudra-t-il finir par donner des concerts dans les allées centrales des supermarchés, comme certains artistes ont commencé à le faire ? Organiser des avant-premières de cinéma dans des galeries commerciales, voire… dans des églises ? Proposer des spectacles vivants dans les wagons-bars des trains ?
La culture a été le premier secteur confiné, et est encore l’un des derniers à le rester, alors que les centres commerciaux et de nombreux commerces non essentiels ont pu rouvrir leurs portes dès le 28 novembre. Comment justifier une telle discrimination ? Cette priorité donnée à la consommation strictement marchande est incohérente avec les propos du Président de la République qui, en affirmant le 24 novembre que « La culture est essentielle à notre vie de citoyennes et de citoyens libres », avait reconnu son rôle majeur pour nos notre cohésion sociale et pour nos liens humains.
Surtout, la culture n’a jamais pu bénéficier d’une vraie visibilité sur le calendrier de la reprise. Au contraire, les musées, théâtres, salles de spectacles, cinémas, ou encore lieux d’exposition, sont soumis à un stop & go répétitif. Ce dernier est à la fois illisible pour le public et injuste, au regard de la très grande responsabilité dont ont fait preuve les lieux de culture, en mettant en place des protocoles sanitaires très stricts. Nombre d’entre eux se sont préparés activement à une reprise le 15 décembre, finalement écartée par le gouvernement : c’est pour eux une triple perte d’énergie, de travail et d’argent.
Il est temps de reconnaître que le confinement de la culture n’a rien d’une fatalité : c’est un choix qui peut et qui doit être débattu. D’autres pays européens ont déconfiné leurs lieux culturels, alors qu’ils se trouvent dans un contexte sanitaire équivalent à celui de la France, et parfois même plus grave. Comme l’Irlande, qui a réouvert ses galeries, musées et salles de cinéma depuis le 1er novembre ; ou comme la Belgique et l’Autriche, qui ont réouvert leurs musées.
France Creative appelle l’Etat à déconfiner les lieux culturels, mais pas à n’importe quelles conditions : il faut que cette reprise soit compatible avec le fonctionnement de leurs activités et leurs modèles économiques.
Concrètement, cela suppose de :
- Donner une vraie visibilité sur le calendrier de la reprise, étape par étape. Contrairement à un commerce qui peut rouvrir rapidement, les activités culturelles ont besoin de se préparer à l’avance. Un spectacle musical, une tournée, un festival, une pièce de théâtre ou la sortie d’un film, ce sont des mois de préparation. Il serait illusoire et dangereux de dire que « la culture reprendra quand les choses seront revenues à a normale », car nul ne sait si et quand elles reviendront à la normale
- Développer une méthode de reprise moins centralisée, qui fasse confiance au terrain et qui s’adapte aux enjeux locaux, en tenant compte de la diversité des activités et des territoires. Tout ne peut pas être décidé depuis Paris, dont la réalité diffère de nos territoires,les salles sont plus petites, les transports en commun souvent absents, et donc le risque de contamination plus faible. La France pourrait s’inspirer de l’Espagne, où chaque communauté autonome a pu fixer ses propres règles en fonction de la circulation du virus.
Les acteurs de la culture prendront toute leur part à cet indispensable dialogue pour préparer la reprise, et pour mettre la culture au coeur de la relance. Ainsi, France Creative organisera au 1er trimestre 2021 les premières « assises des industries culturelles et créatives », pour proposer des mesures fortes qui renforceront la contribution essentielle de la culture à l’économie et la société françaises.